Décider de répondre (ou pas) : un levier stratégique sous-exploité
Dans de nombreuses entreprises, la décision de répondre à un appel d’offres reste encore impulsive : « Le client est connu », « on l’a déjà fait », « ça pourrait passer »…
Mais cette approche coûte cher. Chaque appel d’offres mobilise :
- du temps commercial et avant-vente,
- des ressources de production de réponse (technique, juridique, design),
- des coûts cachés : opportunités manquées, fatigue des équipes, démotivation si échec répété.
Les entreprises les plus performantes appliquent un processus structuré, basé sur :
✅ une grille d’évaluation des opportunités avec 7 critères clés,
✅ un enchaînement de décisions Go/No-Go prises à des jalons bien définis, selon les standards de l’APMP (Association of Proposal Management Professionals).
Objectif : ne plus dire oui par défaut, mais dire GO avec méthode et conviction.
Les 7 critères incontournables pour qualifier une opportunité
À chaque nouvelle opportunité, ces filtres doivent être analysés. Ce sont vos garde-fous stratégiques :
1. Adéquation besoin / solution
L’appel d’offres correspond-il au cœur de votre offre ? Êtes-vous dans votre zone de maîtrise ? Évitez les réponses hors périmètre ou nécessitant une trop forte personnalisation.
2. Relation existante avec le client
Un historique de collaboration ou un lien direct avec les interlocuteurs est un facteur déterminant. Sans contact préalable, vos chances de gagner chutent drastiquement.
3. Positionnement face à la concurrence
Connaissez-vous les acteurs en lice ? Votre proposition est-elle clairement différenciante ? Si vous arrivez en outsider, le Go est risqué.
4. Capacité interne à délivrer
Disposez-vous des compétences, ressources, et bande passante pour délivrer en respectant les exigences ? Répondre sans pouvoir exécuter, c’est prendre un risque de réputation.
5. Rentabilité et marge potentielle
L’appel d’offres présente-t-il une marge brute conforme à vos objectifs ? Le client est-il solvable ? Est-ce un « one shot » ou un tremplin vers d’autres affaires ?
6. Alignement avec la stratégie commerciale
Cette opportunité entre-t-elle dans votre plan d’action prioritaire ? Correspond-elle à vos cibles sectorielles, géographiques, typologies de clients ?
7. Mobilisation de l’équipe interne
Les parties prenantes (commercial, avant-vente, production) sont-elles prêtes à s’impliquer ? Un projet mal porté est un projet perdu.
💡 Astuce : scorez chaque critère de 1 à 5. Si vous totalisez moins de 25/35, réévaluez sérieusement l’intérêt de répondre.
Intégrer plusieurs jalons de Go/No-Go (méthode APMP)
📍 Jalon 1 – Décision d’évaluer l’opportunité
Objectif : valider que l’opportunité mérite une phase de qualification.
À ce stade, vous ne produisez rien. Vous cherchez à comprendre :
- Le besoin est-il clair ?
- Le client est-il sérieux (budget, pilote identifié) ?
- L’opportunité mérite-t-elle un investissement temps ?
Bonnes pratiques :
- Nommer un pilote de l’évaluation.
- Lister les infos manquantes à rechercher.
- Réaliser une 1ère qualification rapide (10 minutes).
Décision : Go pour approfondir – ou No-Go immédiat.
📍 Jalon 2 – Décision de poursuivre l’opportunité
Objectif : engager une vraie phase de pré-vente (influence, stratégie, cadrage).
À ce moment-là, vous devez :
- Identifier les interlocuteurs clés chez le client.
- Construire une proposition différenciante.
- Évaluer les risques : périmètre flou, concurrents connus, exigences excessives.
Critères supplémentaires à valider :
- Le rôle de chaque décisionnaire est-il clair ?
- La stratégie d’influence est-elle en cours ?
- La réponse est-elle toujours rentable et faisable ?
Action : former une équipe projet + planifier le jalon suivant.
📍 Jalon 3 – Bid / No-Bid : décider de répondre ou pas
Objectif : trancher. Produire une offre ou non ?
C’est ici que vous basculez de la phase d’analyse à la phase de production.
Votre décision doit se baser sur :
- Le niveau de maturité du besoin.
- La connaissance du processus de sélection.
- La disponibilité des ressources internes.
- Le coût de production de la réponse.
Questions clés :
- Le client peut-il justifier son choix en notre faveur ?
- Le prix gagnant est-il atteignable ?
- La marge reste-t-elle acceptable ?
🚦 Go = lancement du plan de réponse structuré.
🚫 No-Go = documentation du refus, archivage du dossier.
📍 Jalon 4 – Confirmation Bid / No-Bid
Objectif : valider que le contenu du DCE (cahier des charges) est conforme aux anticipations.
Les surprises sont fréquentes :
👉 Exigences contractuelles inacceptables,
👉 Clauses techniques irréalisables,
👉 Budget inférieur aux standards.
Vérifications à faire :
- La RFP respecte-t-elle les conditions annoncées ?
- Les délais et livrables sont-ils tenables ?
- Notre solution garde-t-elle de la valeur ?
- Les ressources sont-elles toujours mobilisées ?
Si besoin : retrait de la réponse ou ajustement de stratégie.
📍 Jalon 5 – Décision de soumission
Objectif : valider que la proposition est prête, cohérente, chiffrée pour gagner.
Avant de cliquer sur « Envoyer », validez :
- L’offre est-elle finalisée, lisible, convaincante ?
- Reste-t-il des points faibles bloquants ?
- Le plan de soutenance est-il prêt ?
- Sommes-nous prêts à livrer en cas de gain ?
Cette décision engage la crédibilité de l’entreprise. Ne la bâclez pas.
👉 À noter : les premiers jalons du processus commencent bien avant la publication du DCE. Si vous découvrez l’appel d’offres uniquement au moment de la sortie du dossier, c’est que vous avez manqué des étapes stratégiques en amont… Un signal clair à intégrer dans votre réflexion Go/No-Go.
Structurer une gouvernance GO/NO-GO performante
1. Créez une grille de qualification visuelle
- Affichez les 7 critères en haut de chaque jalon.
- Utilisez un code couleur (Vert : OK / Orange : à discuter / Rouge : bloquant).
- Définissez un seuil pour Go (ex. : 80 % des critères en vert).
2. Planifiez les jalons dans le temps
- Bloquez les comités Go/No-Go dans le CRM ou l’agenda partagé.
- Définissez les rôles : qui décide ? qui challenge ? qui produit ?
3. Imposez une culture du No-Go assumé
- Documenter les refus (causes, impact).
- Capitaliser sur les échecs.
- Récompenser la lucidité, pas le volume de réponses.
Conclusion – Dire Go, c’est un acte de direction
Appliquer les jalons de décision et les 7 critères clés, ce n’est pas bureaucratiser la vente. C’est professionnaliser la sélection . C’est remettre la stratégie au cœur de la réponse.
A nuancer bien sûr selon le montant du deal, on n’applique pas le même process pour une réponse à 10k€ que pour une réponse à 40M€.
Une entreprise qui sélectionne mieux :
- perd moins de temps,
- gagne plus souvent,
- et renforce l’adhésion de ses équipes autour des bons combats.
👉 Vous voulez gagner plus ? Commencez par répondre moins. Mais mieux.